Par Benoît Thévard
Article original sur www.avenir-sans-petrole.org
Alors que j'allais prendre le train pour Nantes, en mars dernier, pour une grande conférence organisée par le groupe citoyen “Nantes en transition”, je me souviens avoir croisé Jean-Marc Ayrault sur le quai de la gare, et avoir regretté (intérieurement) qu'il ne puisse être présent pour entendre ce que j'avais à dire au sujet du pétrole.
Je ne suis pas le seul à être passé par Nantes pour expliquer la situation. Jean-Marc Jancovici, Philippe Labat, Nicolas Hulot, Yves Cochet entre autres ont largement démontré, depuis plus de dix ans, que ce projet de nouvel aéroport était “calamiteux”, mais rien ne semble arrêter ce rouleau compresseur fou.
Voici un bref historique du projet, selon le syndicat mixte d'études de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes :
“L’implantation d’un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes, en substitution des installations de Nantes-Atlantique, est envisagée depuis plus de 40 ans. Lorsque les réflexions sur le devenir à long terme de l’actuelle plateforme sont relancées au début des années 90, l’idée du transfert aéroportuaire vers Notre-Dame-des-Landes se présente comme la solution la plus adaptée. En 2000, cette opportunité est confirmée par son inscription à l’occasion de l’adoption des Schémas de Services Collectifs de transport par le gouvernement. Ouvrant ainsi la phase d’études, le projet aéroportuaire fait ensuite l’objet d’un débat public en 2003 puis d’une enquête publique en 2006 pour aboutir à sa déclaration d’utilité publique le 9 février 2008.”
C'est donc en février 2008, cinq mois avant le crash économique mondial et alors que le prix du baril dépasse pour la première fois les 100 dollars, que la construction de ce nouvel aéroport est déclarée d'utilité publique. Nous aurions pu penser que le constat de la situation pétrolière ferait réfléchir les décideurs impliqués dans ce projet, mais ce ne fut pas le cas.
Selon les porteurs du projets, les écologistes se trompent complètement. En effet, il ne s'agit pas vraiment de construire un nouvel aéroport, mais de transférer l'aéroport public pour des raisons environnementales (critères de Haute Qualité Environnementale, bâtiments BBC, diminution des nuisances pour la population etc.). Cette affirmation pourrait prêter à sourire et pourtant, c'est encore au nom du développement durable (et du greenwashing) que ce projet devrait être mené à son terme.
projet d'aéroport version “camouflage”
Concrêtement, ce nouvel aéroport détruira 2000 hectares de terres agricoles, coûtera plus de 550 millions d'euros (4 milliards si l'on compte les infrastructures routières tout aussi inutiles) et devrait être mis en service en 2017. Pendant ce temps, l'Europe est en récession, tout comme l'ensemble des pays de l'OCDE, et les politiques publiques oscillent entre austérité et rigueur. Cherchez l'erreur.
Je rappelle qu'en 2017, le prix du pétrole sera tellement élevé qu'il aura détruit la demande, ou il sera très bas à cause de la récession mondiale. Autrement dit, que ce soit à cause du prix élevé ou de la récession, il n'y a pratiquement aucune chance pour que le trafic aérien soit supérieur en 2017 à ce qu'il est actuellement. La situation est évidente et cet aveuglement des décideurs n'a rien de rationnel, pas plus d'ailleurs que le fait d'injecter des milliards d'euros dans l'industrie automobile ou que celui de faire baisser le prix de l'essence de quelques centimes pour cause de “circonstances exceptionnelles”.
Lorsque les décisions n'ont rien de rationnel, qu'elles vont provoquer un véritable gaspillage d'énergie, de matériaux, d'argent, de terres agricoles et de biodiversité, il ne faut pas s'étonner de voir une population qui lutte, qui s'oppose, qui refuse que l'argent et le bien commun soient utilisés pour des projets reconnus d'inutilité publique. Depuis le 16 octobre, une opération policière (500 à 1000 agents) est menée sur place pour déloger les habitants qui refusent de quitter les lieux, ainsi que les militants qui sont venus les rejoindre pour s'opposer jusqu'au bout à ce projet. Aujourd'hui, les événements ressemblent à une guérilla dans laquelle les policiers protègent les pelleteuses et tentent de déloger les opposants avec des grenades lacrymogènes.
Que devons-nous penser de tout cela ? Faut-il soutenir l'obéissance et laisser faire le grignotage des terres agricoles alors que nous courrons vers une catastrophe alimentaire dans les années qui viennent ? Faut-il accepter la dépense de 550 millions d'euros en pleine période de crise, pour la construction d'un futur musée de l'aéronautique, parking d'avions cloués au sol ?
Les opposants à ce projet ne sont pas que des anarchistes, anticapitalistes ou écologistes radicaux. Il sont une multitude de personnes de tous milieux sociaux, de toutes sensibilités, et faisant preuve de responsabilité. Il s'agit ici de défendre l'intérêt collectif à long terme, c'est pourquoi j'utilise mon blog, pour affirmer que je m'oppose et que je soutiens fermement les opposants à ce projet inutile. Je considère que:
Je souhaite que les partis, associations et citoyens dans la lutte parviennent à stopper ce projet, symbole d'une méconnaissance totale des défis auxquels nous allons être confrontés.