Par Dominique Vidal.
A en croire une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) datée du 4 juillet, « des passages de nouveaux manuels d’histoire contemporaine à destination des classes de première générale, contestés par des associations juives, vont être “modifiés” à l’occasion de l’impression des versions définitives, a indiqué lundi l’éditeur Hachette Education ».
Ces modifications concerneraient la description du « partage de la Palestine » par les « manuels de premières L, S et ES à la rentrée 2011 ». Et l’agence de citer le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), qui dénonce une « présentation du conflit israélo-palestinien tout à fait scandaleuse ». M. Richard Prasquier voit notamment dans l’emploi du terme Nakba (« catastrophe », en arabe) une « idéologisation » et s’en prend à des « erreurs factuelles », sans toutefois, observe l’AFP, « préciser lesquelles ». Pour sa part, note enfin la dépêche, « le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) a reproché aux auteurs du manuel d’“interpréter les faits historiques, de tronquer la vérité, de prendre parti” ».
A défaut de précisions du ministère de l’éducation nationale, qui a refusé de commenter ces informations, on se perd en conjectures.
Responsable, en dernier ressort, du contenu des manuels scolaires destinés aux lycéens français, le ministère ne tombe-t-il pas dans le communautarisme, si souvent vilipendé par le président de la République et le premier ministre, en acceptant de laisser un éditeur en réviser le contenu à la demande d’associations ou de groupes d’influence représentant (ou prétendant représenter) diverses « communautés » ?
La question se pose d’autant plus que la prise de position du CRIF rejoint la loi récemment votée par l’Assemblée nationale israélienne interdisant la commémoration, sous le nom de Nakba, de l’exode des Palestiniens durant la guerre judéo-palestinienne, puis israélo-arabe de 1947-1949… Ce qui pose une question supplémentaire : le CRIF a-t-il pour objectif de faire appliquer en France la législation israélienne et la République française doit-elle se plier à cette exigence, notamment en matière d’éducation ?
S’agissant enfin de manuels d’histoire, le plus raisonnable ne serait-il pas que le ministère exige de l’éditeur qu’il s’appuie sur les travaux des historiens, en premier lieu des plus concernés : les chercheurs palestiniens et israéliens. Or l’immense majorité d’entre eux affirment (pour les premiers) et reconnaissent (pour les seconds) que la plupart des Palestiniens ayant dû quitter leur foyer à cette époque y ont été contraints, souvent à la suite de massacres.
Même l’Israélien Benny Morris, qui a justifié en 2004 la politique du gouvernement Sharon, a réaffirmé, sur ce point, les résultats de ses vingt années de plongée dans les archives israéliennes. L’homme qui est allé jusqu’à défendre le « nettoyage ethnique » – « Un Etat Juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner 700 000 Palestiniens. Par conséquent, il était nécessaire de les déraciner », avait-il déclaré dans une interview au quotidien Haaretz le 8 janvier 2004 – serait-il, aux yeux du CRIF, un « antisémite » ?
M. Richard Prasquier, qui prétend parler au nom des Juifs de France (voir Le Monde diplomatique de juillet 2011), est sans doute un bon cardiologue. Cela ne suffit pas, de toute évidence, à faire de lui un bon historien…