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La crise pour les nuls

Vous entendez à longueur de journée parler de la crise et vous ne savez pas quoi penser, vous ne savez pas quoi répondre, vous ne savez pas s'il existe des solutions. Bref, vous manquez d'arguments.

Il y a bien sûr des solutions, mais n'allons pas trop vite.

Voici un texte à présenter à vos amis, parents, voisins pour engager la discussion et comprendre une fois pour toutes ce qui se cache derrière cette crise.

Commençons par comprendre ce qu'est un budget de l'état.

Il serait grotesque de le comparer à un budget de « bon père de famille ». En cas de coup dur (inondation, épidémie, …), l'état commence par investir (construction de digues, d’hôpitaux, …) et ensuite, il perçoit l'argent de l'impôt. Un travailleur, lui, commence par recevoir l'argent avant de pouvoir le dépenser. En cas de coup dur, vous avez déjà vu un pauvre obtenir une augmentation ? Un peu de sérieux.

Concrètement :

  • Le 1er janvier, l'état définit les investissements pour l'année (santé, éducation, routes, …).
  • Le 2 janvier, l'état va voir la banque de France (aujourd'hui BCE, mais c'est pareil), pour lui demander un prêt (cela se compte en milliards). C'est à ce moment que la banque publique crée la monnaie (qui sera détruite à la fin de l'année).
  • Le 3 janvier, l'état investit en construisant des routes, des écoles, des chemins de fer, des salles des fêtes, … et surtout en payant des fonctionnaires !
  • Pendant l'année, la magie opère. Chaque fonctionnaire est une subvention indirecte de l'économie (en peu comme la PAC pour l'agriculture). Chacun d'eux va acheter sa viande chez le boucher et son pain chez le boulanger. Eux-mêmes vont acheter le journal, etc, etc. Le salaire d'un fonctionnaire va engendrer une vingtaine d'emplois indirects. Si vous voulez vous la péter, vous dites « c'est le coefficient multiplicateur de Keynes ».
    Bref, l'année se déroule en fructifiant l'investissement. L'état sème en début d'année pour récolter vingt fois plus à la fin. Il aura donc largement de quoi prélever l'impôt.
  • Le 28 décembre, il faut penser à payer ses dettes et l'état prélève l'impôt.
  • Le 29 décembre, il va voir la banque de France pour la rembourser et qu'elle détruise la monnaie créée le 2 janvier. Le bilan est équilibré. Tous va bien, sauf que … Aie !
  • Le 30 décembre, la banque demande à l'état de lui payer les intérêts. :-(

En général, les économistes s'arrêtent là. Après, c'est trop compliqué. (Oui mon œil !)

  • Le 31 décembre, l'état tapote l'épaule de la banque de France et lui dit : « Tu as gagné beaucoup d'argent avec les intérêts, tu es bien riche. Tant mieux. Car, comme tu appartiens aux citoyens français, c'est cela de moins sur leurs impôts. :-D » Oups ! La banque qui crée la monnaie peut fixer 10%, 20% ou même 200% d'intérêts, cela n'a aucune importance. Cet argent nous revient toujours en fin de compte. C'est pourquoi, il ne faut pas être surpris que la BCE prête à 0%. Nous ne pouvons pas perdre d'argent comme cela. (Nous ne pouvons pas non plus en gagner, d'ailleurs.)

Deux remarques :

  1. C'est bien le salaire des pauvres et en particulier celui des fonctionnaires qui fait fonctionner l'économie et tourner l'argent chez les commerçants, les artisans, etc. En Grèce, actuellement, les commerçants n'ont plus de clients (les fonctionnaires ne sont plus payés). Ils se mettent à manifester pour plus de services plublics ! A contrario, un riche qui gagne 400 fois le SMIC, mange-t-il 400 biftecks, 400 baguettes de pains, … ? Non bien sûr. Il a des dépenses de riche. Il remplit les réservoirs de 280 000 litres de son yatch (environ 300 000 euros) et il pollue la planète. L'argent des riches n'a jamais ruisselé sur les pauvres. C'est au contraire le travail des pauvres qui enrichit les puissants.
  2. Mais alors d'où vient la dette, puisque les intérêts provenant de la création monétaire nous reviennent ?

La dette vient de deux actions, comme les deux mâchoires d'un même étau : la privatisation de l’emprunt d'état et les cadeaux faits aux riches.

La première mâchoire : la privatisation de l’emprunt.

Depuis les années 1970, partout dans le monde, les pays capitalistes ont obligé les états à emprunter à des banques privées (qui, comme elles n'ont pas le droit de créer la monnaie, empruntent à leur tour aux banques nationales). Mais pourquoi cette obligation ? La réponse : un prétexte pour soi-disant lutter contre l'inflation (le gros problème des riches).

C'est quoi l'inflation ? Simplement l'argent qui perd de la valeur.

Par exemple, vous êtes pauvre, vous ne pouvez pas acheter une maison « cach ». Vous empruntez et devez par exemple remboursez 1 000 francs par mois. L'inflation arrive, l'ancien franc est aboli et vous remboursez maintenant 10 nouveaux francs par mois. Nouvelle inflation, passage à l'euro, vous remboursez 1€50 par mois. Bref, plus il y a d'inflation, moins vous remboursez. Comme celui qui prête c'est souvent un riche, il n'apprécie pas. :-)

Autre exemple, vous êtes riche, vous mettez 1 000 francs dans un coffre en Suisse. Vous revenez des années après et vous retrouvez dans votre coffre 1€50. Bref, le riche déteste l'inflation.

C'est là qu'un économiste au fond de la salle dit : « c'est un peu plus compliqué que ça ! ». Ca y est. Vous commencez à comprendre la manipulation des puissants.

Cette privatisation a donc été imposée dans le monde. En France, c'est Giscard (ministre en charge de l'Économie et des Finances) qui se charge de la besogne en 1973. Il a même réussi à le graver dans le marbre du traité européen (souvenez-vous, l'article que vous avez rejeté par référendum).

Vous croyez que nous avons sombré dès que cela a été mis en place ? Non ! Nous sommes plus résistants que cela. Tant qu'il y a équilibre budgétaire, l'effet de cette mâchoire ne se fait pas sentir. Certes, des banques privées profitent des intérêts. Mais, tant que l'on remet les compteurs à zéro chaque année, l'hémorragie est contrôlée.

En fait, depuis des dizaines d'années, les dépenses de services publics n'ont pas évolué. Les gains de productivité fonctionnent aussi dans le domaine social. Par exemple, les frais de gestion dans le public (sécurité sociale) c'est 5%, dans une association (mutuelle) c'est 15% et je ne vous dis pas dans le privé : 30% voire plus. Car, il n'y a pas de limites aux profits des actionnaires. C'est bien normal que le service public coûte moins cher : l'union fait la force. Il y a une hiérarchie : le privé (le chacun pour soit) coûte plus cher que l'association, qui elle-même coûte plus cher que le public.

Pour créer la dette, il fallait donc provoquer le déséquilibre budgétaire. C'est l'objet de la seconde action.

La seconde mâchoire : les cadeaux faits aux riches.

Dans les années 1980 (je vous laisse deviner qui était au pouvoir), les cadeaux fiscaux ont fait leur apparition. Avec autant de dépenses mais moins de recettes, il y a eu apparition du déficit. Il a donc fallu emprunter. Quel montant ? Eh bien le montant des cadeaux faits aux riches. A cette époque, qui avait assez d'argent pour prêter cette somme ? les riches ! Curieusement, ils avaient exactement en caisse l'argent que l'on venait de leur donner. C'est bien foutu ! :-)

Non seulement, on leur a donné de l'argent. Non seulement, il a fallu faire un prêt pour ces cadeaux. Mais en plus, ils ont voulu des intérêts. Et aujourd'hui, la dette c'est ça ! Principalement, les intérêts de l'argent qu'on leur a déjà remboursé.

En gros, vous dites que vous allez faire un cadeau à un gamin quand il sera grand. Vous finissez par le lui donner à sa majorité. Mais lui vous réclame de lui payer des intérêts tout le reste de votre vie. Il y a des baffes qui se perdent.

Voilà toute l'histoire. Mais avant d'aborder les solutions, regardons comment est instrumentalisée cette dette des cadeaux faits aux riches.

Le prétexte pour détruire les services publics

On veut nous faire croire que le problème proviendrait des services publics qui nous protègent. Pour nous, dans les campagnes, l'image est assez simple à comprendre. Prenez un paysan qui cultive un champ de blé d'une année sur l'autre. Chaque année, il achète 1 000 euros de semence et son rendement est exceptionnel : 20 fois la mise (je prends cette valeur pour faire le lien avec le budget de l'état).

Imaginez qu'un type de la ville vienne lui réclamer 500 euros et l'oblige à prendre cet argent sur sa semence. Le paysan lui dira « c'est débile ce que tu me demandes. Je vais perdre la moitié de ma récolte. Tu vas me faire perdre 10 000 euros pour 500 euros déconomie. Je te payerai après la moisson ! »

Mais, un paysan a la tête sur les épaules, lui. Il sait qu'il ne faut pas réduire les services publics si l'on veut récolter.

Des solutions ?

Il y en a plusieurs. Nationalisons les banques ! Obligeons la BCE à prêter aux états ! Arrêtons les cadeaux aux riches ! Obligeons les riches à rembourser les intérêts illégitimes qu'ils nous ont volés ! Développons les services publics !

A l'exception du Conseil National de la Résistance, tous les partis qui se sont succédés, depuis l’extrême droite (travail-famille-patrie) de la fin des années 30 à nos jours, ont obéi aux marchés et réduit les services publics.


Si, comme les grecs, nous disions “NON !” à l'austérité ?

La crise ne provient pas de dépenses superflues, mais d'un manque de recettes organisées. C'est donc bien une crise de la recette.

Alors, s'il vous plaît, la prochaine fois que vous entendez « la crise de la dette », n'hésitez pas à reprendre votre interlocuteur et dites-lui « Tu veux parler de la crise de la recette ! ». Ce sera l'occasion d'engager la conversation et de le rendre intelligent à son tour.

Ce qui est formidable avec l'intelligence c'est qu'on peut la transmettre en la conservant.



François

suite_de_l_agenda/la_crise_pour_les_nuls.txt · Dernière modification : 28/10/2013 18:53 de 127.0.0.1