Le 1er mai 1891, pour la deuxième fois, les organisations ouvrières du monde entier se préparent à agir par différents moyens dont la grève pour l'obtention de la journée de 8 heures, conformément aux directives de l'Internationale ouvrière. En France, le contexte est plus répressif qu'il ne l'était l’année précédente. A Fourmies, petite ville textile du Nord proche de la frontière belge tout juste sortie d'une longue grève, le patronat a menacé de licenciement les ouvriers qui arrêteraient le travail et obtenu du préfet qu'il mobilise un important dispositif de maintien de l'ordre. En l'absence de forces spécialisées, c'est alors, en France, à l'armée qu'incombe cette mission. Deux compagnies d'infanterie ont été mobilisées.
A 9 heures, après une échauffourée avec les gendarmes à cheval, quatre manifestants sont arrêtés. Des renforts sont demandés à la sous-préfecture qui envoie en renfort deux compagnies du 145e de ligne casernée à Maubeuge. Le 84e RI d'Avesnes est déjà sur place. Dès lors le premier slogan : “ c'est les huit heures qu'il nous faut ” est suivi par “ c'est nos frères qu'il nous faut ”.
18h15 : 150 à 200 manifestants arrivent sur la place et font face aux 300 soldats équipés du nouveau fusil Lebel qui contient de 9 balles (une dans le canon et huit en magasin) de calibre 8 mm. Ces balles peuvent, quand la distance n'excède pas 100 mètres, traverser trois corps humains sans perdre d'efficacité. Les cailloux volent ; la foule pousse. Pour se libérer, le commandant Chapus fait tirer en l'air. Rien ne change. Il crie : “ baïonnette !.. en avant ! ” Collés contre la foule, les trente soldats, pour exécuter l'ordre, doivent faire un pas en arrière. Ce geste est pris par les jeunes manifestants pour une première victoire. Kléber Giloteaux, leur porte drapeau s'avance.
Il est presque 18h25….le commandant Chapus s'écrie : “ feu ! feu ! feu rapide ! visez le porte-drapeau ! ”
Neufs morts, trente cinq blessés (au moins) en quarante cinq secondes.
Maria Blondeau, 18 ans tuée à bout portant, les yeux dans les yeux de son exécuteur, d'une balle dans la tête
Louise Hublet, 20 ans deux balles au front et une dans l'oreille
Ernestine Diot, 17 ans une balle dans l'œil droit, une dans le cou, son corps contient cinq balles
Félicie Tonnelier, 16 ans une balle dans l'œil gauche et trois autres dans la tête
Kléber Giloteaux, 19 ans trois balles dans la poitrine et deux autres dont une à l'épaule
Charles Leroy, 20 ans trois balles
Emile Ségaux, 30 ans cinq balles
Gustave Pestiaux, 14 ans deux balles dans la tête et une à la poitrine
Emile Cornaille 11 ans une balle dans le coeur
Camille Latour, 46 ans commotionné après avoir assisté à la fusillade, décédera le lendemain
Charles Leroy, Emile Ségaux, Gustave Pestiaux et Emile Cornaille ne participaient pas à la manifestation et furent atteints par des balles qui ne leurs étaient pas destinées.
Ils seront inhumés le 4 mai.