Conférence : Barbara Stiegler, philosophe et Christophe Pébarthe, historien (université de Bordeaux)
Démocratie ? Depuis 2500 ans et sa création à Athènes, la démocratie a longtemps été ressentie comme un scandale. Le peuple pouvait-il donc se gouverner ? Si la peur de voir des ignorants exercer le pouvoir a perduré, force est de constater que la perspective d’un gouvernement du peuple a été abandonnée ou, au mieux, confondue avec une dérive qualifiée de « populiste ». Au nom de la complexité des enjeux, une minorité d’experts autoproclamés, légitimés par des élections, dirige ce qu’ils nomment des démocraties représentatives… Au nom de leur engagement et de leur discipline respective, Barbara Stiegler et Christophe Pébarthe discutent de ce qui demeure le problème des élites dirigeantes, le cœur vivant de la démocratie: le peuple.
La saisie démocratique du monde
Un sens commun opposé à la démocratie recouvre pour l'essentiel le monde intellectuel, en France comme ailleurs. Élaboré pour la première fois par Platon et ses contemporains, il s'est progressivement imposé jusqu'à aller de soi et ressurgit régulièrement comme neuf, notamment lorsqu'une hypothèse démocratique semble apparaître. Il a pour finalité de naturaliser les conditions d'impossibilité de la démocratie. Celles qui se présentent comme les plus évidentes portent sur la capacité à connaître et comprendre le monde en général et le monde social en particulier. Dans sa globalité, le peuple n'aurait pas une telle aptitude et ne pourrait qu'encourager des décisions dangereuses, y compris pour lui-même. Le choix de la démocratie requiert donc de partir de la prémisse inverse. Seul le dêmos est capable de comprendre le monde social. Mais alors, est-ce à dire que tout se vaut à partir du moment où c'est une option partagée par le plus grand nombre ? N'existe-t-il pas des faits qui s'imposent à chacun et à chacune d'entre nous ? Des valeurs sur lesquelles il ne serait pas possible de transiger ? Ces interrogations constituent un préalable pour envisager la possibilité d'une saisie cognitive collective du monde. Leur répondre permet d'ouvrir de nouveau la perspective politique d'une démocratie authentique.
Barbara Stiegler, Maître de conférences au Département de philosophie de l’Université Bordeaux Montaigne, membre de l’équipe d’accueil « Sciences, Philosophie, Humanités » (SPH) et responsable du Master de « Soin, Ethique et Santé ».
Christophe Pébarthe, Maître de conférences en histoire grecque, Université Bordeaux Montaigne.